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Directory Of Year 1963, Issue 1
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Pieds dans le plat en Afrique

Year:1963 Issue:1

Column: Entre les lignes

Author:

Release Date:1963-03-04

Page: 46,47

Full Text:  

LE sénateur Allen Ellender ne fut apparemment pas satisfait par ce qu'il vit et entendit durant sa tournée des ambassades et consulats généraux des U.S.A. en Afrique. Et il décida donc d'administrer un échantillon de sa pensée aux gens de là-bas. Il convoqua une conférence de presse à Salisbury, en Rhodésie du Sud, et l'échantillon fit un boum plutôt retentissant.

On a "donné trop tôt l'indépendance" à de nombreux pays africains, déclara le sénateur à son auditoire médusé. "J'attends encore de voir un seul coin d'Afrique où les Africains soient en état de se gouverner. L'Africain moyen est incapable de diriger sans l'aide de l'homme blanc". Le sénateur est opposé à la demande africaine de dissolution de la "Fédération de l'Afrique centrale" ("Il serait triste pour des pays comme la Fédération des Rhodésies de devoir dépendre pour gouverner d'une majorité africaine"). Et il pense que l'Union Sud-Africaine est "sur la bonne voie", bien que celle-ci ait commencé "trop tard" la mise en application de sa politique d'apartheid.

L'Afrique réagit immédiatement et sans équivoque sous l'insulte. Le gouvernement de l'Ouganda, pays que le sénateur allait visiter, lui refusa l'accès de son territoire et le déclara "immigrant indésirable". L'Ethiopie emboîta le pas. Et lorsque le sénateur passa par Dar-es-Salam, le gouvernement du Tanganyika ne lui permit même pas de descendre de son avion. Au Kenya, le KANU, la principale organisation nationaliste, déclara que Ellender "n'était pas le bienvenu avec ses sales idées". Des journaux africains exigèrent des excuses du gouvernement américain.

Le Département d'Etat américain essaya de se tirer d'embarras par une pâle explication: "le sénateur parlait en son nom personnel". Mais était-ce bien le cas? Ellender est un des dirigeants du Parti démocrate de Kennedy et le digne élu des racistes de la Louisiane. Il est aussi membre de la puissante Commission sénatoriale du Budget. Et à en juger par la politique américaine envers le Congo, l'Angola et l'Afrique du Sud, le bavard Ellender a tout au plus donné voix à ce que l'administration Kennedy essaie de réaliser en douce.

Le fond de l'aide américaine

CERTAINS hommes d'affaires américains très nature ont été éblouis par les brillantes expressions altruistes utilisées par Washington pour dépeindre l'aide américaine à l'étranger. Et fidèles à leur philosophie "rien pour rien", ils ont demandé des comptes et une explication. L'administration Kennedy a donc été obligée de les satisfaire et a révélé certains faits qui montrent que "l'aide des Etats-Unis", c'est vraiment "l'aide aux Etats-Unis".

Le U.S. News and World Report, glissant sur quelques-uns de ces faits, admet que "près des 80% des milliards qui vont à l'aide étrangère sont en réalité dépensés aux Etats-Unis mêmes. . . L'aide américaine à l'étranger intervient pour plus de 12% dans les exportations de ce pays." Si le programme de l'aide à l'étranger était réduit, "des industries de plusieurs (de nos) Etats perdraient des commandes. Les surplus agricoles y perdraient d'énormes marchés."

Prenant 1961 pour exemple, la revue rapporte que l'aide américaine à l'étranger, militaire et économique, s'est mon-" tée cette année-là à 6.100.000.000 de dollars. Les trois-quarts de l'aide économique servent à payer des marchandises exportées directement des Etats-Unis. Ce chiffre comprend 2.300.000.000 de dollars de produits agricoles. Sans l'aide à l'étranger, explique la revue, "ces produits seraient allés s'ajouter aux énormes surplus qui font baisser le prix des produits agricoles." En outre, "d'autres marchandises américaines, pour une valeur de 700 millions, destinées à l'étranger, sont achetées avec les dollars de l'aide et 300 millions sont employés à payer les services fournis par des Américains. . ." Des 1.700.000.000 de dollars dépensés en 1961 par les Etats-Unis pour l'aide militaire, 1.500.000.000 ont été versés pour des avions, tanks, armes et matériel fabriqués dans des usines américaines." Ainsi, conclut l'hebdomadaire: "la vérité de l'aide à l'étranger est que ce programme est devenu un subside au sein de l'économie américaine - exactement comme les subsides à l'agriculture."

Dans sa conférence de presse du 5 juillet, le président Kennedy a cité trois faits à ne pas oublier, selon lui, au sujet du programme d'aide à l'étranger de Washington. Ce sont:

1) "Près de la moitié de l'argent destiné au projet de l'aide à l'étranger va à l'aide militaire, ou au fond de soutien, pour la défense des pays directement menacés par l'agression et la subversion" (lire "pays où les valets des impérialistes américains sont menacés par les puissants mouvements de libération nationale").

2) "Plus de 80% de l'argent destiné à l'aide économique est accordé sous forme de prêts et non pas donné, et ces prêts devront être faits en accord avec notre critère sur l'aide et remboursés en dollars".

3) "Plus de 80% de l'argent réservé au programme d'aide à l'étranger sera dépensé ici, aux Etats-Unis, pour payer les marchandises et services fournis par des firmes américaines. . ."

Mais, subventionner l'économie des Etats-Unis n'est qu'une partie de ce qu'un "bénéficiaire" de l'aide américaine a à supporter.

Aujourd'hui, la Turquie avec ses crises politiques, sa banqueroute économique, le chômage et la faim, fournit un exemple frappant de ce que l'aide américaine apporte à un pays. Ankara a fait patte de velours dans l'espoir que les dollars américains le sauveraient. Mais pour chaque dollar reçu de l'aide américaine, il a dû en dépenser deux pour son armée de 500.000 hommes et consacrer 40% de son budget aux préparatifs militaires. Cette folle dépense inutile a provoqué la stagnation industrielle, le chaos dans l'agriculture, l'augmentation des prix et la corruption. . .

Le U.S. News and World Report dépeint l'aide américaine comme "la clef de voûte de la politique étrangère des Etats-Unis", mais ni lui ni Kennedy ne mentionnent l'autre fait: c'est qu'elle est un plan de chantage.

Lorsque Ceylan reprit dernièrement les postes d'essence et autres installations des compagnies pétrolières Esso et Caltex, l'ambassadeur des Etats-Unis expédia une note au gouvernement cingalais le menaçant de couper l'aide américaine si une compensation n'était pas accordée dans les six mois.

La réponse du premier ministre cingalais, Mme Bandaranaike, tomba on ne peut plus à propos. La plus grande aide que les Etats-Unis pourraient accorder aux autres, répondit-elle, c'est de ne pas intervenir dans leurs affaires.

Drôles d'oiseaux

LE poulet est devenu un problème majeur du monde occidental. Les vendeurs de volaille américains s'étaient arrogé la moitié des importations d'Europe occidentale, avec des ventes de l'ordre de 45 millions de dollars, avant qu'on ne leur vole dans les plumes.

Les Néerlandais accusèrent les U.S.A. de brader le poulet à 30,5 cents la livre. En Bavière et en Westphalie, on disait que les poulets américains étaient engraissés à l'arsenic et que, pour ce qui était d'être morts, ils étaient plutôt mortels. Les Français insinuèrent d'un air sombre que l'engraissement aux oestrogrènes pouvait avoir des effets désastreux sur la virilité. Et ce n'était là qu'un début; les pays du Marché Commun décidèrent que le poulet à rôtir américain ne pouvait être mis en vente à moins de 33,3 cents la livre. Puis, l'Allemagne fédérale y flanqua mesquinement une taxe additionnelle de 9,7 cents à la livre et, en novembre, le Marché Commun y ajouta une petite surtaxe, ce qui fit grimper le prix du poulet américain de 50%.

C'est sous les cris de "plumeurs!" que les exportateurs américains de volaille ont vu, depuis août, leur chiffre d'affaires baisser de 25% dans le Marché Commun.

Les U.S.A. ripostèrent. Fulbright entra en action - c'est ce sénateur dont une bonne partie des électeurs vit en faisant consommer aux autres les poulets de l'Arkansas. A Genève, il interrompit un débat, entre membres de l'O.T.A.N., sur les armes nucléaires, pour protester contre l'hostilité dont ils entouraient les pauvres petits poulets américains. Au point que cela en devint comme un choix à opérer: fusées nucléaires U.S. assorties de poulets U.S. ou, pas de poulets, pas de fusées. Et quand Adenauer fit visite à la Maison Blanche, Kennedy souleva la question du poulet. A Bruxelles, Freeman, le secrétaire américain à l'agriculture, menaça de représailles le Marché Commun qui avait attaqué la volaille américaine.

Les U.S.A. et les pays du Marché Commun fourbissent leurs tarifs douaniers en vue d'une guerre commerciale. Les Etats-Unis d'Amérique écoulent 10% de leurs produits de la ferme à l'étranger et 1/3 de cette valeur de 1.100 millions de dollars va normalement au Marché Commun des Six. Quant au Marché Commun, sur l'ordre de ses groupes financiers avicoles, il s'apprête à dresser une barrière douanière contre la concurrence américaine. Et le coup du poulet n'est que le coup d'envoi!

Visiblement, cela n'est pas seulement une petite empoignade aux effets limités. Des nouvelles de diverses provenances montrent déjà que les poulets américains congelés et "surgelés" en Europe occidentale sont allés inonder d'autres marchés et y porter préjudice aux fermiers locaux. Time, avec son cynisme habituel, glorifie l'esprit d'entreprise américain qui a permis d'introduire du poulet à bas prix en Europe. Voilà une manière vraiment intéressante de voir ce qui résultera de la compétition capitaliste à couteaux tirés, qui dépossède des milliers de fermiers de leurs terres au bénéfice des monopoles commerciaux américains.

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